🧐 ENQUÊTE. En Finistère, des chefs de chorale déplorent que des curés refusent certaines chansons

Publié le 19 septembre 2024 à 07:24

Dans les églises du Finistère, des prêtres obligent les musiciens à remplacer des titres de variété française par des cantiques. Des chefs de chorales estiment que c’est de la censure.


« Je refuse de retirer un texte du répertoire de ma chorale ! » Jean-Paul Kerjean, chef de chœur de deux chorales bretonnantes du Finistère, Kan ar Vag et Hékléo, est très remonté : « Je refuse de me soumettre à des carcans religieux ! »

Chez des musiciens et choristes du département, le mécontentement gronde contre l’institution religieuse catholique. Certains parlent même de « censure ». Ils dénoncent des prêtres « de plus en plus tatillons » et très attentifs sur ce qu’il convient de chanter, ou non, dans leur église.

Emmenez-moi d’Aznavour interdit à Landerneau

« On avait déjà des problèmes dans le Morbihan, mais ici aussi ça devient difficile », soupire Charlez an Dreo, président de la chorale du Bout du monde. Parmi les chorales contactées, toutes ou presque, ont une anecdote négative à partager.

« On nous a interdit de chanter En Cloque de Renaud, dans l’église de Sizun, déplore Irène Vasco-Braem, cheffe de la chorale Y’a d’la voix à Landivisiau. Et on a dû rajouter des chants sacrés pour pouvoir se produire ! »

Quelques clochers plus loin, à Landerneau : « Au printemps dernier, on nous a interdit de chanter Emmenez-moi de Charles Aznavour dans l’église La-Martyre, dénonce Jean-Pol Kerjean. On a dû se retrancher dans la salle communale ».


La charité, argument insuffisant

La situation n’est pas nouvelle. Quatorze ans plus tôt, en 2010, l’hymne antiraciste de Pierre Perret, Lily fut banni de l’église de Plougastel : « C ’était pourtant un concert de bienfaisance pour Haïti », s’indigne Gildas Vijay Rousseau, organiste liturgique et chef de plusieurs chorales en Finistère.

Les concerts de charité, c’est là où le bât blesse particulièrement les croyants musiciens. Pour eux, il est « incompréhensible que l’Église refuse des évènements culturels destinés aux plus démunis sous couvert de règles religieuses ».

« À quelques kilomètres, la décision n’est pas la même »

Cet été, la chorale du Bout du monde a été retoquée de l’église de Plougastel, alors que l’ensemble souhaitait donner un concert en soutien à l’association Charcot-29. « On nous a demandé de revoir nos chants et de mettre davantage de cantiques, c’était très cavalier, s’offusque Charlez an Dreo. On a pourtant l’habitude de chanter dans les églises. »

Heureusement, l’église Saint-Luc de Brest a accepté de les recevoir, le 31 août 2024, sans exiger de changement de répertoire. « Ça dépend vraiment des curés et des paroissiens, à quelques kilomètres de distance, la décision n’est pas la même », note Gildas Vijay Rousseau.

 

« Les traditions humaines entachent l’Évangile »

« En tant que croyant et chrétien, je trouve que les traditions humaines entachent le discours de l’Évangile, se désole-t-il. On aime notre prochain oui, mais que par le prisme de Dieu ! » Comme d’autres, l’organiste ne comprend pas.

« Je peux comprendre qu’on ne puisse pas donner certains spectacles, mais ce qu’on propose est loin d’être choquant », soupire Jean-Pol Kerjean. Et, selon lui, ces morceaux sont joués depuis longtemps dans les églises du Finistère : « Les curés contrôlaient, mais se contentaient de vérifier qu’il n’y avait pas de chanson paillarde. »

L’évêché contacté

« Nous, les chefs de chœur, allons devoir remonter ce contrôle de plus en plus excessif », avertit Jean-Pol Kerjean. En mars dernier, Gildas Vijay Rousseau a, lui, déjà tenté de contacter l’évêque de Quimper et Léon pour lui faire part de la frustration des chorales.

Ouest-France
Heïdi SOUPAULT.
Publié le 18/09/2024 à 19h00

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